dimanche 1 février 2009

Relecture, à la faveur d'une insomnie, de Jules César de Shakespeare. De nombreux passages que j'avais déjà soulignés, comme les mots de César sur Cassius ("Such men as he be never at heart's ease / Whiles they behold a greater than themselves, / And therefore are they very dangerous."), César qui se compare au Danger ("We are two lions littered in one day, / And I the elder and more terrible") et dénonce ainsi la lâcheté : "Cowards die many times before their deaths ;/ The valiant never taste of death but once." Et puis je tombe sur ce monologue célèbre d'Antoine après l'assassinat de César : Antoine a dupé Brutus et obtenu de prononcer le discours de funérailles de César, où, contrairement aux attentes des conjurés ("We shall be called purgers, not murderers"), il divinisera la personne de César et excitera les passions les plus violentes de la plèbe soudain convertie à l'adoration du Roi assassiné ("We'll burn his body in the holy place, / And with the brands fire the traitor's houses"). Pour l'instant Antoine est seul, penché sur le cadavre de César ; il appelle mille morts sur la tête des conjurés et, au-delà d'eux, sur l'Italie entière fondée sur ce meurtre odieux :
A curse shall light upon the limbs of men;
Domestic fury and fierce civil strife
Shall cumber all the parts of Italy,
Blood and destruction shall be so in use
And dreadful objects so familiar
That mothers shall but smile when they behold
Their infants quarter'd with the hands of war;
All pity choked with custom of fell deeds:
And Caesar's spirit, ranging for revenge,
With Ate by his side come hot from hell,
Shall in these confines with a monarch's voice
Cry 'Havoc,' and let slip the dogs of war;
That this foul deed shall smell above the earth
With carrion men, groaning for burial.
Ce que j'entends surtout à la relecture c'est le "All pity choked with custom of fell deeds" qui me rappelle irrésistiblement la prophétie de Jésus sur le mont des Oliviers, la charité qui se refroidit par suite des iniquités devenues habitudes :
Vous entendrez parler de guerres et de bruits de guerres: gardez-vous d'être troublés, car il faut que ces choses arrivent. Mais ce ne sera pas encore la fin. Une nation s'élèvera contre une nation, et un royaume contre un royaume, et il y aura, en divers lieux, des famines et des tremblements de terre. Tout cela ne sera que le commencement des douleurs. Alors on vous livrera aux tourments, et l'on vous fera mourir; et vous serez haïs de toutes les nations, à cause de mon nom. Alors aussi plusieurs succomberont, et ils se trahiront, se haïront les uns les autres. Plusieurs faux prophètes s'élèveront, et ils séduiront beaucoup de gens. Et, parce que l'iniquité se sera accrue, la charité du plus grand nombre se refroidira.
Je suis sûr que Shakespeare avait ce passage de l'Evangile de Mathieu en tête (24;6-12) quand il a composé le monologue d'Antoine. Shakespeare était très chrétien, on a trop tendance à l'oublier, me semble-t-il. N'empêche. All pity choked with custom of fell deeds - je ne sais pas si c'est aussi dû au manque de sommeil et à la neige qui tombe depuis 3 heures du matin sur mon cher boulevard D. mais ça me fait froid dans le dos.

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