samedi 31 janvier 2009

Conversation n°62 (pressés l'un contre l'autre sur le clic-clac, moi derrière, un peu "ému" au début et plus du tout après ; elle regarde dans le vague, sa vilaine joue carrée posée sur ses mains jointes ; pendant la première moitié de la conversation je lui caresse les cheveux, ensuite je me mets à imaginer qu'ils sont gras, je serre le poing et j'y appuie ma tempe droite)

C. Pourquoi tu m'as jamais dit ce que tu pensais vraiment de Boucheron ?
M. Quoi ?
C. OK génial, tu te souviens même pas.
M. De quoi?
C. Devant mon père vendredi. "Oh pas des poètes mineurs dans le genre Boucheron." Vendredi, ouh ouh, au restaurant ? C'est bon, tu retrouves la mémoire ?
M. Mais de quoi tu parles, enfin j'ai toujours dit que Boucheron était un poète mineur, mais et alors, un poète mineur c'est très bien, faut de tout pour faire un monde.
C. Mais alors tu crois vraiment que Boucheron est un poète mineur ? Réponds-moi stepl'.
M. Oh j'ai tellement pas envie d'avoir cette conversation.
C. C'est ça que tu penses vraiment de lui ?
M. Hum.
C. Pourquoi tu me l'as jamais dit ?
M. Mais je te l'ai dit, et puis merde quand je dis quelque chose c'est pas parole d'évangile.
C. Oui ça c'est sûr.
M. Mais alors pourquoi ça te vexe ?
C. J'ai passé deux ans à travailler sur lui, j'ai passé deux ans avec lui et toi tu dis comme ça, en passant, oh Boucheron le poète mineur...
M. Mais tu aurais préféré quoi, que je dise : Boucheron, que je considère comme un poète majeur... Si c'est pas vrai, je vais pas inventer une fausse vérité pour te faire plaisir, si ? Si ? Et puis cette conversation n'a aucun sens, aujourd'hui non seulement tout le monde se fout des distinctions majeur mineur mais en plus tout le monde se fout des poètes.
C. N'empêche que si je devais parler de ton écrivain préféré eh ben je ferais un peu plus attention.
M. Pitié non, vas-y franco, te gêne pas pour moi.
C. Mais non justement, quand tu tiens à quelqu'un tu fais preuve de diplomatie. C'est peut-être un sacrifice mais...
M. Donc tu veux que je sois hypocrite ?
C. Non, pas hypocrite mais... Qu'est-ce que tu dirais si... pas moi mais quelqu'un dont le jugement t'importe, disons un de tes anciens profs disait comme ça à la volée : ah Chateaubriand, cet imposteur...
M. Eh bien je prendrais ça pour une marque de respect.
C. Pff.
M. Et puis tout le monde méprise Chateaubriand aujourd'hui, l'aristo cheveux au vent qui fait des trop belles phrases, moi je suis plutôt immunisé tu vois.
C. Comme par hasard. Toujours réponse à tout.
M. Mais c'est intéressant, tu préfères que je te mente pour t'épargner plutôt que je te dise une vérité douloureuse ? C'est ça ?
C. Tu retournes le problème dans le sens qui t'arrange. Normalement quand on aime quelqu'un on s'amuse pas à le torturer.
M. Torturer. Dire que je considère le poète sur lequel t'as écrit un mémoire comme un poète mineur c'est te torturer. OK. Greffier, notez le sens de la mesure de l'accusation.
C. L'accusation ? C'est moi l'accusation ? Et puis enfin tu sais bien que... oh j'en ai marre. C'est impossible de parler avec toi.
M. Attends, comment tu l'as découvert déjà, Boucheron ?
C. OK ça va, ça suffit. Tu sais très bien comment je l'ai découvert.
M. Ton frère ?
C. OK ça va, laisse-le en dehors de ça. Putain.

(Elle se lève comme une furie, fonce aux toilettes et essaie de faire claquer la porte de celles-ci, oubliant que l'humidité a gonflé le linteau et qu'il est déjà difficile de la fermer convenablement quand on s'y prend avec calme et méthode.)

1 commentaire:

  1. hum Merlin... tu as tout de même été très influencé par une personne que je connais. Parle-moi de ton créateur.

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